Trabajo que preparé para mis alumnos usando todas las palabras estudiadas y un poquito más
La force
Je n'ai jamais eu peur de l'avion. Pourquoi l'aurais-je craint? Les voyages en carlingue avaient commencé aux bras de ma mère, avant que je ne sache parler ou comprendre, avant même de savoir me tenir debout. Petit paquet transporté dès la naissance par le ciel et parmi les nuages de notre terre toute bleue-- je l'ai vue bleue et blanche, verte et noire.
Le ciel ne m'effraie pas. On a peur que de ce qu'on ne connaît pas. Ces déplacements aériens étaient devenus une routine annuelle à travers l'Amérique, cet immense continent divisé en deux par l'isthme panaméen, si fin, si tenu: voyez-vous, je vous écris et je m'imagine le regardant de loin, de haut, du hublot froid, étroit et vrombissant, construisant du regard la courbe sinueuse de la division entre le Nord et le Sud. De là-haut, j'ai contemplé tous les nuages, tous les cieux, toutes les couleurs crépusculaires, tous les reliefs.
L'avion, peur? Moi? De cette boîte en fer cylindrique? de ses mouvements et ses bruits qui me sont aussi familiers, ou même plus, qu'une promenade en canot? Quoi? Serait-ce l'odeur aigre ambiante, le toucher statique des banquettes, l'agaçant air ventilé, la pression qui engourdit les pieds, les ronrons du moteur qui me feraient frissonner? Non, non, ce qui n'a pas de mystère...
La faiblesse
Tôt ou tard pourtant, tout arrive, un peu comme l'expérience du vertige; dans un aéronef décollant d'une aussi minuscule île des Caraïbes, assise à côté d'une femme une dizaine d'années plus âgée que moi, j'en fis l’épreuve.
La compagnie aérienne s'appelait Moustique Airlines. L'île de Moustique est l'une des nombreuses îles qui forment l'État de Saint Vincent et les Grenadines. Nous allions voler une heure au maximum, peut-être plus, d'une île à l'autre. Nous partions de la Barbade et allions nous cacher à Bequia, quelques jours. Comme je le disais, nous étions trois passagers dans l'avionnette avec le pilote, bien entendu. Six sièges en cuir, tassés dans un espace exigu. Luc qui m'accompagnait s'était assis immédiatement derrière le pilote, il avait l'impression de participer au vol. Il avait devant lui le paysage tout entier à la grandeur de la verrière offerte à la grandeur de ses yeux, le tableau de bord et les communications entre le l’aviateur et la tour de contrôle dans les oreilles. Il n'y avait pas de séparation entre la cabine du pilote et nous. Un peu à l'arrière, cette femme et moi nous étions présentées et puis tues, j'avais un livre; elle rongeait ses ongles et regardait nerveusement par le hublot. J'essayais de la calmer en lui posant des questions: que faisait-elle dans la vie? Était-elle heureuse sous le soleil ardant des Antilles? Questions auxquelles elle ne répondait que par brides, elle gigotait au fond de la banquette et murmurait en trépignant: "nous allons mourir, tous les jours on entend qu'une de ces avionnettes s'est écrasée en atterrissant. Les pilotes ne font pas attention, c'est sûr que nous allons nous écraser ou pire, disparaître". J'avoue que c'était la première fois qu'on mettait en doute la capacité d'un pilote à mener son engin. Jamais auparavant je ne m’étais questionné sur le professionnalisme de l'homme qui conduisait l'avion.
La crise
Elle était tellement agitée que son corps dégageait des vibrations nerveuses. Des gestes sans douceur, les yeux écarquillés, le rythme de la respiration rapide et saccadée. Mais voyons, n'avait-elle jamais voyagé en avion? Quand le moteur se mit à gronder, elle n'était pas loin du paroxysme de la terreur, les yeux grands ouverts, pupilles dilatées, ceux-ci semblaient se détacher de son visage livide. Elle me prit les mains le regard implorant," s'il vous plaît, je n'en peux plus, faites quelque chose pour arrêter l'avion". Inexplicablement au contact de ses mains, une onde de son malaise me parvint, me rentra dans le corps. Une peur aussi sincère, authentique, palpable ne pouvait qu'être vraie. La peur était là et je la sentais. L'avion bougeait beaucoup dans les airs, au gré des nuages et des coups de vent. Chaque mouvement me paraissait soudain suspect. Pourquoi remuait-il autant? Nous fîmes un bond, le pilote lâcha un juron, "je ne vois plus rien", disait-il, et soudain, je sentis l'angoisse me cramper l'estomac, les paumes des mains et la plante des pieds moites, j’éprouvais l'inconfort de mon cœur battre la chamade: j'eus peur, une peur incontrôlée et irrationnelle, la peur qui prend le dessus et nous envahit, gagne le pari à la raison et nous fait tressaillir. Ma voisine , elle, perdit complètement son sang froid et se jeta sur Luc d'abord voulant atteindre le pilote. Elle était déchaînée, folle; le pilote perturbé tonna de rester assis. La possédée s'en prit à la porte essayant de l'ouvrir. Luc se retourna et tentait de l’immobiliser de ses bras. J'avais envie de vomir, le paysage devant moi me fit perdre la notion d'équilibre et je sentis un vertige qui me glaça les veines et raidit les muscles. L'avion tournait et tournait, le pilote criait à la tour de contrôle: "accès de panique à bord, atterrissons d'urgence, demande autorisation!". Au sol, la femme sanglotait tandis que nous nous éloignions: j'avais les jambes molles, l'estomac en boule. Je ne savais plus combien de temps s'était passé depuis que nous étions montés dans l'avion.
Ma voisine demandait pardon en pleurant, mais déjà nous ne l'entendions plus. Le calme et le soleil rayonnant par-dessus l’océan contrastaient avec les cris qui avaient peuplé le petit avion. Contagion, hystérie collective? Ébouriffée et fatiguée, je promenais mon regard sur la mer turquoise qui m'entourait. Les pieds fermement vissés à ce paradis, je savais au moins que là-haut, zigzaguant entre mes nuages familiers, j'avais vu la peur dans toute sa laideur et qu'elle m'avait touchée.