sábado, 22 de septiembre de 2018

Les cartes postales


Dès mon entrée dans le bureau de poste argentin, J’ai senti que le sort des cartes postales serait compromis au du moins éprouvé. Je ne savais qu’il serait tragique. Permettez-moi de vous raconter cette histoire.  Avec mes bagages, j’avais fait bien attention de garder vos adresses à la portée de la main dans mon petit cahier blanc qui me sert de cahier de notes. Vous étiez là, tout près de moi.

Me voilà à Buenos Aires, cette ville magnifique qui bruine tout l’hiver. On dit en espagnol garúa, une pluie fine qui ne dérange pas;  le ciel est comme le ventre d’un âne gris, luisant, doux et frais, enfin,  les 7 degrés le rend frais. J’avais l’idée de vous envoyer les cartes postales dès le début de mes vacances pendant le séjour porteño, car après avec ma famille à Tucumán, je ne répondrais plus de rien. Ma famille est englobante.

À Buenos Aires, le manteau gris de laine collé à la peau nuit et jour, je marchais 50-70 rues au minimum : j’allais de l’appartement de mes amis à mes cours de tango, j’allais me promener vers les musées de la ville, j’allais rendre visite à une cousine ou à une amie. Lors d’une de ces promenades, vous ayant bien présents à l’esprit, ayant mangé ma troisième empanada de la journée, bu mon café, vu pour la énième fois le goal de la journée émis par tous les téléviseurs de la ville (et bon Dieu qu’il y en a à Buenos Aires) je suis rentrée telle une touriste candide dans l’office de Correo Argentino, et j’ai de mon plus bon sourire demandé dix timbres pour le Canada. J'avais à la main les cartes postales de Samira et de Stéphanie, mais j’avais laissé à la maison celles de Lynda et Guy, Kristiyan, et d’autres amis pour lesquels j’avais noté l’adresse.

Canada? Le préposé regarde dans un ordinateur qui date des années 90, ah, oh, humm… J’attends, toujours le sourire aux lèvres, mais plus figé quand même. Voilà que l’employé se lève, discute avec une collègue, revient, m’ignore totalement, regarde, concentré cette fois, son écran. Je sens que ce sera compliqué. Il se relève… Je commence à m’impatienter. Mais bon, j’ai attendu 30 minutes avec mon numéro entre les doigts et je ne compte pas céder ma place! Il me regarde, alléluia, on progresse, il me dit : Canada?, purée de cacahuète, ce n’est pas sorcier, le Canada câlice! Il se relève, puis en me regardant de biais, il m’annonce un prix complètement aberrant : le salaire d’un employé des postes disons! Plus de sourire, je le regarde sérieusement, et d’un ton qui dit êtes-vous devenu complètement fou?, je lui redemande : combien? Il regarde sa collègue qui vient à sa rescousse. C’est elle qui reprendra l’odieux de me répéter la somme que je devrais verser pour dix timbres internationaux. Je peux payer avec ma carte de crédit?

Dès le lendemain, j’ai posé mes timbres millionnaires sur vos belles cartes postales et j’ai trainé ces petits trésors quelques rues avant d’apercevoir une imposante boite aux lettres, alors je me suis exclamée heureuse : voilà! J’ai inséré les cartes et j’ai posé ma main sur la boite en signe d’adieu, je suis montée chez ma cousine et je lui ai raconté l’histoire des timbres. Elle m’a dit: mais ma chérie, les boites postales sont maintenant décoratives à Buenos Aires, tu viens de jeter tes cartes à la poubelle! Il faut aller à la poste!