Apprendre à perdre. Voilà vers quoi il faut tendre. Ma vie
n'est rien d'autre qu'une vertigineuse dépossession.
Et ce, depuis mon plus jeune âge, car quand j'étais petite,
j'étais ce qu'on appelle une enfant distraite. Je le suis toujours, mais j'ai
réussi avec le temps à développer des stratégies qui me permettent de
raisonnablement résoudre mes lacunes d'attention. Je fais les choses en grande
partie automatiquement sans y porter soin ni concentration. Les gestes se font
en totale indépendance de la tête, en liberté.
Alors, les choses perdues, ça me connait. Pour retrouver les objets, je
dois refaire l'historique de mes pensées au moment où j’accomplissais les
gestes. Je sais, c'est un drôle de mécanisme, mais il fonctionne pour moi.
L'anxieuse que je suis, ne pars plus dans toutes les directions, remuant ciel
et terre, pleurnichant sur ma bêtise, pour retrouver l'objet perdu. Cela je ne le fais plus, au sens propre et au
figuré. Il me semble que je prends plus de temps pour réfléchir. Il y a même eu
un moment où je finissais par accepter que les choses disparaissent, convaincue
qu’elles referaient surface un jour ou l’autre. Convaincue que la recherche
était plus riche que la perte.
Apprendre à perdre doucement pour ne pas trop souffrir. J’y
travaille depuis longtemps, pas toujours aussi profitablement que je le
voudrais, mais l’effort y est, la volonté, l’engagement. Apprendre à perdre
ai-je dit, ne garder que ce qui est resté volontiers, incluant l'autre. Car il faut accepter celui qui est parti et qui est perdu, celui pour qui j'avais perdu la tête, en espérant peut-être, la retrouver et la reperdre à nouveau, si
possible sans en perdre le nord. Le nord de l’étoile polaire, celle qui me
situe, me guide et me console.
Apprendre à se perdre quand c’est nécessaire pour gouter,
sentir, jouir et croquer à pleine bouche les choses qui en valent la peine.
Peine perdue, tout se perd, j'ai beaucoup perdu, je le sais, mais perdre c’est
vivre, se battre, aimer; celui qui ne se débat plus, a déjà tout perdu.
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